FACE À DES MURS - NICE 1997.

Le Vieux-Nice est une véritable curiosité. Les êtres les plus étranges s'y croisent, s'y côtoient, offrant au badaud une impression d'ailleurs, mélange trouble de cour des miracles et de pittoresque méditerranéen. Le soleil qui luit sur la mer toute proche illumine les toits de façon vive. Le ton est donné, entre bleu d'azur et ocres saturés.
Pourtant le Vieux-Nice est avant tout un lieu d'ombre. Les "immeubles" qui le composent datent pour la plupart de la fin du XVIIème siècle, et témoignent de la volonté des habitants de l'époque de s'abriter de ce soleil aujourd'hui tant couru. Les rues n'ont guère plus de trois mètres de large, offrant un recul limité qui ne gène en rien le lèche vitrine, mais crée un effet de murmurante véranda pour persiennes et jalousies.
C'est en allant acheter du pain rue du Jésus que j'ai vu le premier...  Ce bout de mur avait là quelque chose. Cette lumière furtive, fugace, dans ce labyrinthe aux parois à l'allure de falaises balconnées, le magnifiait. Le morceau d'affiche, l'éclat de peinture, la poussière du ciment centenaire jouaient avec elle. L'ombre était aiguë, ramassée en petites pointes agressives. Il semblait y avoir bataille.
Quand je repassai peu après avec le pain, c'était fini. Mon mur cendrillon avait repris ses allures de souillon. Il renaîtrait le lendemain, si les nuages ne venaient pas s'en mêler... Je serais là.
Cette série de photos a commencé comme ça.  "Flairant" l'instant, j'ai couru d'angles en porches, de placettes en escaliers, à la recherche de cette chose nouvelle qui me faisait vibrer, l'entente de la matière avec cette lumière rasante de midi, j'oserai dire"in vivo", au détriment de l'ombre et de la platitude.
 Ces murs sont le seul horizon de celui qui vit dans le Vieux, un "troglo" comme on dit ici, les peintures rupestres de sa grotte à ciel ouvert. Ils obsèdent à force d'être vus sans être regardés. Les rendre beaux a sans doute été une manière de les exorciser, d'être à nouveau capable de les dépasser pour aller voir la mer,  devant le cours, à deux pas de là.

J-M BERNARD