Localisée à l’intersection de deux des artères les plus fréquentées de Port au Prince, dans un bâtiment fatigué de 3 étages, la maternité de Médecins Sans Frontières ne paye pas de mine. Pourtant, avec plus de 1000 accouchements chaque mois, elle est probablement la plus importante des Caraïbes. Ouverte au printemps 2006, elle a déjà vu naître près de 15,000 nouveaux Haïtiens en mars 2007.
Le manque d’espace est criant mais l’ingéniosité des équipes de MSF, rompues à ce type d’exercice, permet d’optimiser chaque centimètre carré. Au rez-de-chaussée, les salles d’accouchement fonctionnent à plein régime. Certains jours, un nouveau-né vient au monde toutes les 20 minutes ! Un test HIV est systématiquement proposé aux patients et une psychologue est également présente pour venir en aide aux victimes de viol, véritable fléau dans les bidonvilles qui bordent la capitale où sévissent de nombreux groupes armés.
Au premier étage, l’équipe chirurgicale composée de volontaires expatriés assistés de personnel local enchaîne les interventions, essentiellement des césariennes. Le reste de la maternité est consacrée à l’hospitalisation post-opératoire des patientes, réparties dans soixante lits. L’intimité est quasi nulle mais l’alignement des mères couvant tendrement leur nourrisson crée une atmosphère touchante de sérénité et de bonheur dans le cauchemar urbain qu’est aujourd’hui Port au Prince.
La chef de mission, Colette Gadenne, admet que MSF n’escomptait pas une telle affluence : « notre objectif initial était la prise en charge médicalisée des accouchements compliqués en référant vers notre maternité les femmes présentant des facteurs de risques mais il est extrêmement compliqué de refuser d’admettre les accouchements normaux, d’autant plus que les solutions alternatives ne sont pas nombreuses ». Néanmoins, depuis décembre dernier, MSF tente de collaborer avec une maternité publique en y transférant certains de ces cas.
Avec plus de 500 décès pour 100,000 accouchements, Haïti a le taux de mortalité maternelle le plus élevé du continent. La raison principale réside dans la difficulté pour les femmes enceintes d’accéder à des soins adaptés en cas de complication. Si les cliniques privées sont nombreuses dans la capitale, leurs tarifs restent inabordables pour la grande majorité de la population frappée par l’extrême pauvreté. Quant aux structures sanitaires publiques, elles sont à l’image de l’Etat rongées par la corruption et encore incapables de faire face aux besoins. En Haïti, donner la vie est devenu dangereux.